Le droit de reprise de l’administration
Le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle du dépôt de la déclaration spéciale prévue pour le calcul de ce crédit d’impôt. Par conséquent, ce sont l’administration fiscale et ses représentants du Ministère de l’Action et des Comptes Publics qui sont maîtres de la vérification du CIR. On peut notamment évoquer les brigades locales de la Direction Générale des FInances Publiques (DGFIP), les brigades de la DIRection spécialisée de COntrôle FIscal (DIRCOFI) ou encore la Direction des Vérification Nationales ou Internationales (DVNI). Ces services sont sollicités en fonction de l’importance et de la taille de l’entreprise et des montants en question dans la déclaration du contribuable.
Ce dispositif fait intervenir beaucoup de compétences pour avoir une analyse fine de chacune des dépenses. Sans compter les différentes compétences juridiques et fiscales, l’analyse d’un CIR nécessite également des compétences financières mais surtout des compétences techniques pour appréhender les travaux de la société.
L’analyse de l'éligibilité par les organismes en charge du CIR
La principale difficulté résidant dans l’analyse de l’éligibilité du périmètre R&D, l’administration fiscale doit se faire assister par un organisme tiers pour lui apporter la compétence technique. C’est ainsi qu’elle peut s’adresser au Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (MESRI) ou aux Délégations Régionales Académiques à la Recherche et à l'Innovation (DRARI) en région. Les DRARI étaient anciennement appelées Délégations Régionales à la Recherche et à la Technologie (DRRT).
En effet, l’article 45 B du LPF prévoit:
La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie.
Il arrive régulièrement que certaines entreprises refusent que certains documents soient échangés dans le cadre de la procédure, mais il faut bien comprendre que le contribuable ne peut pas s’opposer à cette délégation d’analyse technique. Ainsi, s’il ne met pas à disposition du service les différents documents nécessaires à l’analyse de sa déclaration, il s’expose à un redressement. Malgré tout, le service n’est pas dans l’obligation de faire appel aux agents du ministère en charge de la recherche et de la technologie puisqu’il reste le seul maître de sa vérification. Ainsi, le contribuable ne peut pas non plus exiger une expertise diligentée par le MESRI ou la DRARI.
Enfin, le service n’est pas non plus dans l’obligation de suivre les conclusions de la vérification faite par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. Ceci est d’ailleurs rappelé dans la doctrine administrative BOI-BIC-RICI-10-10-60-20 § 160 qui se base sur l’article 45 B du LPF. Afin d’effectuer l’analyse la plus juste possible des travaux de recherche, le MESRI est capable de mobiliser un expert du domaine. Cet expert est généralement lui-même chercheur et travaille la plupart du temps dans un laboratoire rattaché au MESRI. Pour bien comprendre le fonctionnement de l’expertise du CIR, le MESRI propose le schéma suivant.
Organismes en charge du contrôle du dossier CIR en 2022
Ainsi, dans l’immense majorité des cas, le service vérificateur fait appel au coordinateur régional de la DRARI. La DRARI, étant l'antenne locale du MESRI, le coordinateur a à sa disposition l’ensemble des experts sur le plan national. Il choisit donc un expert compétent et disponible pour faire l’analyse. Le coordinateur est l’interface entre l’expert et l’administration fiscale. Il se peut également que l’entreprise puisse avoir des échanges avec le coordinateur. Cependant le contribuable ne peut pas directement échanger avec l’expert.
Le rôle du MESRI dans le contrôle du dossier CIR
Le contribuable ne doit pas faire l’erreur de sous-estimer le rôle du ministère chargé de la recherche. Ce ministère à la particularité de pouvoir, à son initiative, faire une analyse du CIR d’un contribuable (BOI-BIC-RICI-10-10-60-20 § 160). Le ministère en charge de la recherche reçoit une copie du Cerfa déclaratif 2069-A-SD lors de sa déclaration par le contribuable, ceci à des fins statistiques mais également pour être en mesure d’identifier les contribuables qu’il souhaite vérifier. Les conclusions du ministère en charge de la recherche peuvent avoir des incidences dévastatrices pour la déclaration de CIR. Une expertise négative du dossier CIR est très difficilement défendable lors des recours offerts par chaque type de procédure.
D’ailleurs, l’actualité des jurisprudences a encore conforté la position de l’expertise MESRI. Si l’on se réfère à la jurisprudence récente, la Cour Administrative d’Appel de Lyon se prononce sur une contre-expertise rendue par les mêmes experts, que par les experts initiaux (CAA Lyon, 27/06/2019, n° 17LY02989, Sté Lim SAS). Et, de la même manière, la Cour Administrative d’Appel de Paris, dans un arrêt du 18 mai 2018 (CAA Paris, 18/05/2018, n°17PA00475, Sté IDD SAS), a jugé qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne s’opposait à ce que la seconde expertise, sollicitée par l’administration à l’issue de l'interlocution départementale, soit menée par le même expert.
Même si ce jugement est incompréhensible au regard des droits de défense du contribuable, l’expert garde une position privilégiée dans l’analyse. Ensuite, par l’arrêt de la CAA de Nantes du 18/03/2019, n°17NT02302, SAS Euro Wipes, la Cour rappelle tout d’abord que le contribuable doit avoir connaissance du nom de l’expert mandaté dans le cadre du CIR pour procéder à des vérifications concernant ses projets de recherche, quand bien même cet agent aurait rempli une déclaration d’absence de conflit d’intérêt. Cet arrêt vient donc appliquer la solution d’ores et déjà dégagée par le Conseil d’Etat dans l’arrêt Fruitofood de 2016 (CE 19 juillet 2016, n°380716), mais rejette ensuite l’argument soulevé par le contribuable selon lequel l’expert aurait été partial aux motifs qu’il n’aurait pas apporté une grande attention sur la présentation et le contenu de son nouveau dossier technique. Selon les juges, une telle critique ne relève pas d’un manque d’impartialité.
La place de l’expert dans l’analyse du dossier CIR
Il peut être conclu que les juges réservent une place particulière à la participation d’un expert lors de la vérification d’un CIR. Le contribuable doit donc s’efforcer de convaincre l’expert et non de mobiliser des ressources pour essayer de déjuger l’expertise réalisée par l’expert. En pratique, le contribuable peut réaliser, à ses frais, une expertise du dossier par un expert judiciaire et proposer son rapport lors de la procédure. Ce rapport, parfois très coûteux, n’apporte pas la preuve irréfutable de la réalisation d’opérations de recherche et n’a souvent que peu de valeur face au rapport d’expertise du MESRI. Il permet donc simplement d’engager le débat.